Les ajraks du Kutch Gujarat
Le tissu « ajrak » a pour origine les provinces sud du Sindh (Pakistan) et du Kutch Gujarat (Inde), provinces aujourd’hui séparées depuis la partition de 1947.
L’ajrak est un tissu imprimé aux tampons de bois, avec des teintures naturelles comme l’indigo et la garance des teinturiers pour la couleur rouge. Il est imprimé par la communauté Khatris du Kutch Gujarat. Ce tissu se distingue par ses couleurs bleues et rouges et ses motifs floraux et géométriques complexes.
Son nom est dérivé de « azrak » qui signifie bleu en arabe et en persan, ou de l’expression du Kutch « keep it today » (gardez-le aujourd’hui). L’ajrak est un héritage textile qui remonte aux premières civilisations de la vallée de l’Indus, il y a quelques milliers d’années.
L’élaboration d’un ajrak demande beaucoup d’habileté et de patience. Entre la préparation du tissu, ses nombreux lavages, ses teintures et impressions aux
blocs de bois, jusqu’à son nettoyage final, il n’existe pas moins de 14 à 16 étapes de travail sur un laps de temps de 14 à 21 jours.
Le résultat est inégalable. Le tissu est doux contre la peau, agréable au toucher, attrayant à l’œil par ses motifs et ses couleurs aux nuances uniques.
Outre les méthodes traditionnelles utilisées pour produire le tissu ajrak, les colorants employés sont tous dérivés des règnes végétaux et minéraux. En raison de leur nature, ces colorants sont naturellement biodégradables, ils n’altèrent pas l’environnement et maintiennent un équilibre écologique des sols et des rivières.
Le rouge est obtenu à partir de la racine de la garance, une plante vivace de la famille des rubiacées, et du bois sappan. Le bleu à partir de la plante indigo (indigofera tinctoria). Le jaune est tiré du curcuma et de la peau du fruit de la grenade.
Le vert est obtenu en mélangeant l’indigo avec du curcuma avec la peau de la grenade. Et le noir est obtenu en laissant tremper pendant près de trois semaines, dans un grand bac rempli d’eau, un mélange composé de ferraille, de citron vert et de sucre de canne brut. L’utilisation de poudre de henné, de racine de rhubarbe et de tamarinier apporte aux couleurs bleues, rouges, jaunes, vertes et noires des nuances inégalables.
Ces couleurs naturelles ne tiendraient pas dans le temps sans l’utilisation d’un mordant, une substance naturelle ou de synthèse qui favorise la pénétration du colorant jusqu’au cœur de la fibre textile. Par exemple, pour fixer durablement le rouge, les artisans utilisent l’alun naturel ; pour fixer le noir, le sulfate de fer ; et pour fixer les autres couleurs, ils utilisent un mélange d’argile et de diverses graines pulvérisées, comme les graines du tamarin, fruit du tamarinier.
L’ajrak est un bel exemple de production durable. L’utilisation de colorants naturels et de matériaux recyclés, tels que la ferraille, dans le processus de production, n’affecte pas l’environnement. L’eau est utilisée de manière responsable : elle est recyclée à plusieurs reprises pendant les nombreuses étapes d’impression et de nettoyage des tissus pour être ensuite rendue, sans produits chimiques, à l’agriculture. Par ailleurs, la production entièrement manuelle offre de nombreux emplois stables aux artisans locaux.
Aujourd’hui, le succès que rencontrent ces tissus auprès des Indiens comme des visiteurs offre de nouvelles opportunités d’emploi et apporte une contribution importante au développement durable du Kutch.